mardi 5 avril 2011

Message de Ueli au Népal

Texte : Ueli Steck / Traduction : Mountain Hardwear France


Le temps d'acclimatation arrive à sa fin. Depuis deux semaines, je suis de retour dans la vallée de Khumbu au Népal. La météo est très instable. Des vents violents en altitude, l'air humide en provenance du sud. Mais je suis heureux. Nous nous sommes installés à Lobouche, notre camp de base. A 4950 m, l'Eco Lodge (forme d'habitat écologique) nous offre des conditions idéales pour nous acclimater. C'était une excellente décision de venir ici. S'habituer à l'altitude est très important. J'ai passé un peu de temps avec mon épouse. J'aurais aimé qu'elle soit avec moi pendant toute l'expédition. J'ai hâte de passer plus de temps avec elle en automne.

Le 18 mars, Freddie Wilkinson (athlète US Mountain Hardwear) et moi avons passé la nuit à 5300 m d'altitude. De là, nous sommes allés à Lobouch Peak. Un magnifique sommet à plus de 6000 m d'altitude. Nous sommes restés une nuit de plus sous la tente. Malgré cette dernière mouvementée à cause du vent, nous nous sommes réveillés avec une vue magnifique. Le soleil se lève sur l'Everest, le Lhotse et le Nuptse. Sur le fond, nous avons aperçu les pyramides massives de Makalu. Nous avons commencé la journée détendu. Café et muesli avant de remballer notre matériel et repartir sur notre camp de base. A midi, nous étions de retour à Lobouche ou nous avons passé quelques jours supplémentaires.

Le 21 mars, je suis allé faire du jogging. Depuis le camp de base de Lobouch, ma route m'a mené jusqu'à Kalapathar à 5500 m. J'ai été agréablement surpris par la facilité pour y accéder. Malgré l'altitude, j'ai pu courir avec une bonne vitesse. L'entrainement de ces derniers mois semble porter ses fruits. A Kalapathar, j'ai repensé à toutes mes sorties d'entrainements sur le Niesen (sommet des Alpes bernoises en Suisse qui culmine à 2 362 m). Monter puis redescendre en train, puis remonter avant de redescendre encore en train et cela 3 fois de suite.
La descente à partir de Kalapathar fut rapide. J'ai seulement mis 15 min pour atteindre Gora Shep. La bàs, j'étais ravis de trouver un café avec une connexion Internet, de gros panneaux solaire et depuis peu, la réception des téléphones mobiles. A un jour de marche du camp de base, c'est le café le plus haut du monde.

Le 23 mars, c'était mon jour de repos avant que Freddie et moi ne bougions le lendemain vers Zhongla.

Nous nous sommes levés (le 24 mars) vers 3h du matin. Après un léger petit déjeuner, nous nous sommes retrouvés à l'entrée du Cholatse Nothface à 4h. J'étais impatient de commencer cette ascension. Freddie était de bonne humeur. Se lever tôt n'est pas un problème pour lui. Il était heureux. Nous n'avions jamais gravi ensemble auparavant. J'étais certain que que tout se passerait bien. Il est facile à vivre et toujours de bonne humeur. Il a une sorte d'effet calmant sur moi.
Nous nous sommes retrouvé devant un mur de plus de 1400 m de haut. Au clair de lune, ce dernier était encore plus impressionnant. La roche apparaissait presque noir avec des extrémités rayés de neige et de glace. Après avoir repéré la ligne que nous allions grimper et nos crampons fixés, un nouveau jour pouvait commencé. Le ciel était parsemé de nuages type cirrus, ce qui est mauvais signe. Nous avons quand même pris la décision d'avancer sans nous assurer sur la partie inférieur du mur. Je ne voulais pas donner le sentiments à Freddie qu'il devait monter sans être assuré. Conscient d'avoir une vision différente de ce qui est de grimper sans cordes. Je ne voulais pas qu'il le fasse juste pour me prouver quelque chose. Nous étions ici en tant qu'équipe. Après 500 m, nous nous sommes assurés. 


J'ai adoré cette ascension faite de roche et de glace et j'étais ravis que Freddie soit avec moi. En même temps, nous montions dans un épais brouillard. Ma prévision était correcte. A midi, il a commencé à neiger. Je n'étais plus aussi calme qu'au début car nous avions seulement apporté nos sacs de couchage avec nous. Sous le principal mur, à notre droite, j'ai pu reconnaitre quelques congères. Il s'agissait de notre seule chance d'avoir néanmoins un bivouac confortable. A 15h30, nous avons commencé à installer notre bivouac à cause de la neige qui tombait en permanence. Nous avions une grotte minuscule et nous avons donc commencé à cuisiner. Alors que nous étions en train de manger et de boire, nous espérions que la neige s'arrête au plus vite. malgré tout ça, nous avons passé une nuit très confortable.

Le lendemain matin ne fut pas meilleur que la veille. Il y avait des nuages partout. Nous avons donc décidé de ne pas grimper le mur principale. Nous devions essayer d'atteindre le sommet le plus rapidement possible pour descendre ensuite par le coté sud. Le chemin sur le parcours français était très exigeant pour nous deux. Encore une fois, il neigeait et il faisait très froid. Nous nous sommes arrêtés un court instant au sommet avant de redescendre.

Auparavant, jamais je n'ai gravi une montagne en Himalaya dans de telles conditions météorologiques. Freddie et moi étions heureux d'être de retour à Nala (4450 m) à 18h30. Nous avions fait de notre mieux dans ces conditions, et je peux dire maintenant que je suis bien préparé pour Shisha Pangma. Maintenant, j'ai un peu plus d'une semaine devant moi, avant de prendre l'avion pour retourner sur Katmandou. Là-bas, je rencontrerais Don Bowie, mon partenaire pour le Tibet. Je suis impatient de passer quelques jours à l'hôtel avec du bon café et de la bonne nourriture… J'espère que le temps sera de mon côté pour Shisha Pangma.

A très bientôt !

Ueli Steck


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire