lundi 30 mai 2011

L'aventure Everest par Ueli Steck

Texte : Ueli Steck
Traduction : Mountain Hardwear



Après 4 jour passé à Zangmu, nous nous dirigeons vers le camp de base Everest. A partir de Tingri, nous empruntons le même chemin que pour aller sur le Cho Oyu. Mais après 15 min, nous tournons à gauche. Maintenant, nous sommes définitivement sur la voie de l'Everest.

Le camp de base est en quelque sorte surréaliste. La première chose qui me frappe, c'est la tente de Kari Kobler. Un dôme jaune au milieu d'un champ de pierres. Notre tente pour manger n'est pas aussi impressionnante, néanmoins on y mange très bien...



Don et moi partons le lendemain pour ABC. Nous avons décidé de diviser les 25 km de la voie en deux. Pour les Yaks transportant notre équipement, il serait difficile de le faire en un seul jour. Nous décidons de passer la nuit dans un camp intermédiaire. Le 17 mai, nous atteignons enfin le camp de base. Un autre village de tentes…

La météo semble tenir bon. Nous sentons la nervosité des autres alpinistes. La plus part d'entre eux sont ici depuis des semaines, en "stand-by" à 6400 m en attendant le beau temps. Je n'ai aucun stress particulier. Je ne sais pas si mon corps a pu récupéré des deux précédentes ascensions à plus de 8000 m. Peut-être que je suis déjà trop épuisé mais je vais essayer. C'est certain…

Les bonnes conditions météorologiques sont prévues pour le 21 mai. Nous avons besoin d'un plan !

Puisque nous serons sur un chemin sans oxygène, nous escaladerons une montagne différente par rapport aux autres alpinistes avec oxygène. Nous décidons de partir depuis le camp 2 à 7700 m. Kari nous offre son équipement : Nous partirons donc un jour plus tard que ses clients et nous pourrons utiliser leurs tentes.J'adore la montagne. Pour moi, c'est quelque chose de nouveau. Je n'ai jamais vu une telle activité. Les Sherpas installent confortablement le camp, ils transportent nos équipements, de l'oxygène...



De nombreux alpinistes ont commencé à s'oxygéner à l'aide des masques. Sur le Shisha Pangma, j'étais complètement seul. Sur le Cho Oyu, il n'y avait pas beaucoup de monde mis a part les Sherpas. Mais ici, c'est un monde totalement différent. Kari nous donne les derniers conseils. Il a lui même atteint cinq fois le sommet. Il sait de quoi il parle. Nous discutons du meilleur moment pour atteindre le sommet. Pour ne pas tomber dans le trafic, nous quitterons le camp 2 vers 23h.

Nous n'avons besoin d'aucun piolet sur cette montagne. Les cordes de sécurités sont déjà installées sans interruption de l'entrée jusqu'au sommet. Je prend seulement mes crampons et deux bâtons de ski. Le 19 mai, Don et moi partons en direction de Nordcol à 7000 m. Le lendemain, nous atteignons le camp 2 après plus de deux heures de marche. La météo se dégrade au cour de la journée. Une tempête commence. Les prévisions n'ont jamais mentionné une telle chose. Après ca, nous avons le droit a un orage local difficilement prévisible. Le danger est énorme, surtout pour ceux qui empruntent actuellement la crête avec les vents violents. C'est pourquoi la règle d'être au sommet avant midi, s'applique également ici.

Le mauvais temps continu. Nous nous abritons dans notre tente pour manger un peu de fromage de montagne, du salami et des "crackers". Nous buvons également un peu de thé à la menthe. De temps en temps, nous ouvrons le zip de notre tente pour voir si les conditions météo se calment un peu. Nous refermons aussitôt pour ne pas laisser entrer la neige. Il commence à faire sombre. Avec ce vent, nous ne pouvons pas partir. C'est impossible. Nous serions vite congelés. A 9h, nous allumons nos talkies-walkies. Le groupe de Karis est au camp 3 à 8300 m. J'explique à Don que nous devrions au moins essayer. Il est sceptique. Il fini par accepter et m'assure qu'il ne laissera pas une seule pierre inexplorée.

Nous sortons de notre tente peu après 23h. J'ai enfilé mes chaussures devant la tente pendant que Don était en train de se préparer à l'intérieur. Il n'y avait pratiquement aucune précipitation. Le chemin a été aplati par les autre grimpeurs. La lumière de notre frontale éclaire nos pas. Nous sommes très bien acclimatés. Marcher à plus de 8000 m ne nous pose aucun problème. Seul le vent et le froid rendent la tache un peu plus difficile. Don est une centaine de mètre derrière moi. J'ai du mal à comprendre ce qu'il me dit lorsqu'il me parle de son sentiment à propos de la météo. Je le rassure en lui répondant que nous seront très vite de retour au camp si la météo tourne mal et j'avance. A 8000 m, Don s'arrête. Ses pieds sont trop froid. C'est un problème classique lorsqu'il n'y a pas d'oxygène. J'avance encore un peu et je vois la lumière en face de moi. Maintenant, je peux voir les tentes du camp 3, je ne dois pas être loin des 8300 m d'altitude. Nous voulions nous reposer plus longtemps ici. Mais je me sens bien et je n'éprouve pas la nécessité de me reposer. Je décide d'avancer...

Je suis très surpris de mon voir comment mon corp réagit ici. Parfois j'ai un peu mal au ventre, mais juste avec un peu de Coca, la douleur passe immédiatement. J'ai deux bouteilles de 60 cl avec moi. Ici, manger et boire est assez difficile à cause du froid. Malgré ma combinaison et les mouvements continus, je n'ai vraiment pas chaud.



Je m'engage sur la crête, pour la première étape. A partir de là, je grimpe lentement. Je n'utilise pas les cordes fixes car je ne sais pas comment elles sont fixées. Je préfère monter comme je le sens, au feeling, ainsi je peux voir exactement ou je vais.

Maintenant, la fameuse deuxième étape. Une paroi rocheuse escarpée de plus de 30 m assurée par une échelle. Une fois en haut, j'aperçois les premiers alpinistes en face de moi. Ils sont très lent et je les dépasse. Finalement, le jour se lève .. J'espère que le soleil me réchauffera un peu, cependant je ne sens encore aucune différence. Mes pieds sont engourdis depuis un certain temps. Je sens que mes talons ont froid mais je ne peux plus les sentir.. Ce n'est pas bon signe.

Je passe à la troisième étape. Un Sherpa m'a dit que je n'aurais besoin que d'une heure maximum pour atteindre le sommet. Est-ce que je vais réussir ? Ou pas ? Ce n'est pas long, mais avec mes pieds…

Je suis sur une montagne, sans oxygène. Je dois accepter ça… Je dois re descendre aussi vite que possible. Je ne peux pas sacrifier un de mes orteils pour l'Everest. Je me descend rapidement et vers 9 h, je suis de retour au camp 2. Le même jour, Don et moi somme de retour au camp ABC.

L'aventure Everest est terminé. Dommage, tout se déroulait bien. Je pensais que je ne souffrirais pas trop là haut. Mais pas du tout. Malgré tout, je suis content. Bien que j'ai du faire demi-tour à 100 m du sommet, j'ai eu un bon feeling et j'ai eu ce que je recherchais. Bien sûr que cela aurait été génial d'arriver jusqu'en haut. Pendant un temps, j'ai pensé à demander à un Sherpa, si je pouvais respirer de l'oxygène pendant 10 min. J'aurais eu de nouveau les pieds au chauds pour atteindre le sommet, mais il fallait mieux redescendre. L'Everest restera... Et moi, je reviendrais !



Source : uelisteck.ch


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire